LAURENT PETIT
Sculptural pots
Kerameiki Techni - n° 48 - Décembre 2004
« Elfedelle, altabale, carapaline, ondeline »..tels sont les noms que
Laurent Petit donne à ses sculptures ; des noms qu’il invente afin de
suggérer des caractères ou des références formelles : légèreté, mouvement,
rondeur.
Sculptures abstraites et peintures de terre, les œuvres de Laurent Petit
allient avec brio deux pratiques artistiques parfaitement unies dans un même
matériau : la céramique.
Laurent Petit travaille particulièrement le volume dans ses moindres
détails, dessus-dessous. Ses modelages ont une forte présence, affirmée et
précise. Creux et bosses, changements de plans sont savamment mis en place
pour animer le regard et jouer avec la lumière. Ils témoignent de la
mollesse originelle de la terre : parois souples, creux « nombril », fonds
ondulants qui soulèvent et allègent les pièces. Les volumes pourraient
s’inscrire dans des formes géométriques simples, pyramides ou cônes tronqués,
mais ils en refusent la rigidité. Les coins sont arrondis, les lignes ne
sont pas parfaitement tendues. Le déroulement du façonnage n’est pas donné,
la réalisation semble possible par différentes techniques.
La vision des volumes est transformée par la couleur. Le blanc mat qui
recouvre deux parois perpendiculaires est soumis à deux lumières ; il
apparaît ainsi blanc et gris. La peinture abstraite, composée de quelques
signes noirs et taches de couleurs nuancées du blanc cassé à l’ocre, fait
corps avec les parois tant sa présence est discrète, sans surcharge, sans
violence. Pourtant, elle semble évidente et conserve son autonomie sans
subordination au modelage, sans source ni repère.
Admiratif des peintures de Tapiès, de Zao Wou-Ki, de Cy Twombly ou de Joan
Mitchell, Laurent Petit a aussi été très influencé par l’œuvre des céramistes
français Jean et Jacqueline Lerat et celle de l’anglais Gordon Baldwin.
Ses œuvres surprennent par leur étrangeté ; elles innovent tout en semblant
appartenir à notre quotidien. La plupart des pièces gardent une référence
formelle à la céramique utilitaire de par leur taille et leur silhouette.
Mais la lecture des pièces variera suivant l’environnement. Une sculpture
dans un appartement, trouvera une correspondance avec un objet usuel,
ce qui entraînera la réévaluation de celui-ci. La pièce apparaîtra alors comme
une sorte de fossile artificiel imprégné et transformé par le passage du temps.
Entièrement fermée et sans aucune fonction, la sculpture devient sujet de
réflexion et de distanciation. Elle joue sur les limites et sur l’ambivalence
d’évoquer une fonction et de la nier simultanément.
Plusieurs pièces confrontées entre elles, issues de la même veine thématique
offriront une vision de groupe qui les isolent et les singularisent. La lecture se
tournera alors vers les variations de forme, de matière et de couleur,
à l’intérieur de la série.
L’envie de rapprocher les œuvres de Laurent Petit d’objets existants marque
le besoin de se raccrocher à une réalité qui est, en fait, absente. Si elle
a peut-être été un point de départ, elle est essentiellement revue, recréée
par l’artiste qui laisse sur chaque pièce son empreinte personnelle. Et les
signes plastiques distinctifs sont nombreux : le trou qui renvoie à un
intérieur caché, le bec qui ne peut verser car son ouverture est fermée,
le goulot obturé et tordu. Ces éléments contribuent à rendre les pièces
énigmatiques. Le nombril est le résultat d’un lien rompu qui ferme l’être
intérieur ; ici le nombril suggéré est un trou qui pourrait faire découvrir
l’intériorité.
L’énigme réside également dans la nouveauté, dans la rupture avec une
esthétique céramique constituée de volumes convenus et de brillances,
dans la rugosité étrange de ces « presque objets ».
La démarche de Laurent Petit est originale, sincère et sans compromission.
Designer industriel de formation, Laurent Petit rencontre la terre au cours
d’un stage de raku chez Brigitte Marionneau, en 1992. Cette révélation le
conduit à suivre la formation dispensée à la Maison de la Céramique de
Mulhouse. Mais une année n’est pas suffisante pour mettre au point une
démarche cohérente et significative. Laurent Petit poursuivra ses recherches
pendant quatre ans avant de commencer à exposer en 2001.
Il vit et travaille à Francueil, un village de Touraine à proximité du
château de Chenonceau. Aujourd’hui invité dans les plus prestigieuses
manifestations françaises, il impose son œuvre de sculpteur céramiste.
Laurent Petit est né à Bourges en 1962. Formé à l’Ecole des Arts Décoratifs
de Paris (1981-1985), il a été designer industriel de 1989 à 1994.
En 1995 il a suivi la formation de la Maison de la Céramique de Mulhouse.
En 2005, il participera à la 4ème biennale du Grand-Pressigny (en Touraine,
du 15 avril au 15 juin), aux Journées de la Céramique (Paris, au début de
juillet) et au Parcours céramique Carougeois (en Suisse, du 24 septembre au
8 octobre).
Nicole Crestou
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